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11 novembre 2012

Catéchèse à l'école de Marie (12)

 Commentaire sur La Vraie Dévotion de Montfort (234 - 242)

L’essentiel de cette dévotion consiste dans l’intérieur

Dans la première partie de son écrit le père de Montfort a répété de multiples façons que Dieu tient à impliquer l’homme dans son agir (terre nouvelle cieux nouveaux). Comme il l’a fait depuis les débuts, depuis Abraham, Il continue à le faire de la même façon. Parmi les nombreux collaborateurs, la Vierge Marie tient une place particulière, car grâce à son ‘oui’ Dieu a pu donner une tour-nure décisive à son grand projet : son incarnation.

Depuis notre ‘oui’ baptismal, le Seigneur compte sur nous pour prolonger son incarnation, mais cela suppose un changement de notre intérieur. L’eau baptismale ne suffit pas pour transformer l’intérieur de l’homme, il faut que de jour en jour le baptisé s’ouvre à la grâce qui lui est offerte. C’est précisément pour cela que Montfort propose des pratiques concrètes. Nous avons déjà découvert le premier exercice, un temps fort de trente jours qui conduit à la conclusion d’un ‘contact avec Dieu’.  En suivent six qui, comme un jogging spirituel journalier, servent à maintenir la forme pour être chrétien de jour en jour. Voici les deux suivants.

La petite couronne

Ce n’est pas Montfort qui a inventé cette prière relativement brève, la formule existait déjà. « Il y a plusieurs manières de bien dire cette prière et il serait trop long de les rapporter ici », nous dit-il. Ailleurs dans ses écrits, il nous offre quelques versions, mais la structure est chaque fois la même. Puisque cette prière n’est plus tellement pratiquée, j’y consacre une petite explication.

« Cette pratique est fort ancienne et elle a son fondement dans l'Écriture Sainte. Saint Jean vit une femme couronnée de douze étoiles, revêtue du soleil, et tenant la lune sous ses pieds, cette femme, selon les interprètes, est la Très Sainte Vierge » (234). Montfort réfère au chapitre 12 de l’Apocalypse riche en symboles. Dans le contexte du passage cité par Montfort, la femme est revêtue du soleil, un symbole pour référer au divin. Puis, elle est enceinte (de Jésus bien sûr) et tient la lune sous ses pieds : elle ne se laisse pas influencer par les forces sinistres. Les douze étoiles réfèrent au lien entre l’Ancien et le Nouveau Testament, les douze tribus de Jacob : l’ancienne Israël et les douze apôtres : le peuple nouveau.

L’auteur de l’Apocalypse cadre l’événement : « un signe grandiose apparut au ciel », tandis que le titre donné à la prière inspire l’humilité : une petite couronne. Est-ce une erreur, ou y-a-t-il un message ? Quoi qu’il en soit, c’est un avertissement pour ceux qui situeraient Marie dans un autre monde et en feraient presque un Dieu. En effet, en priant attentivement les textes, on découvre la proximité de la Vierge Marie. Marie nous rappelle l’humilité de Dieu qui vient vers l’homme pour l’élever auprès de Lui.

Bien dire cette prière

« Il y a plusieurs manières pour bien dire la petite couronne…,  cependant pour la dire tout simplement, il faut… ». C’est rare que Montfort donne une consigne pour bien prier. Profitons-en, découvrons que cette prière est bien plus qu’une simple louange à la Vierge Marie et qu’elle réfère aux merveilles accomplies en elle en faveur de toute l’humanité. Elle revoie au Dieu à l’œuvre. Dans ce sens la petite couronne est aussi une louange à Dieu qui sauve.

Montfort conseille de commencer par cette invocation : « Daigne écouter mes louanges, ô Vierge très sainte, et donne-moi la force contre tes ennemis. » Qui sont les ennemis de Marie ? La réponse est très simple : c’est tout ce qui peut détourner l’homme de son Dieu. Sou-venez-vous des vérités fondamentales citées dans les numéros 61- 89 où, de multiples façons, l’auteur décrit la tension qui existe entre notre situation humaine concrète et le niveau auquel le Seigneur veut nous élever. Encore ce détail : l’expression ‘Vierge très sainte’ pourrait référer à la femme tenant la lune sous ses pieds, celle qui est tout tournée vers Dieu.
Ici dans la Vraie Dévotion, l’auteur conseille de poursuivre la prière en récitant le crédo, ailleurs, dans la formule que l’on découvre dans les prières matinales pour les Filles de la Sagesse, il commence par une prière adressée au Saint Esprit. Les deux formules invitent le priant à s’orienter vers le Dieu agissant.


Douze étoiles

Après cette ouverture suivent en trois séries de quatre, les douze invocations à Marie avec l’Ave, entrecoupées d’un Pater. Les douze invocations renvoient au douze étoiles de la femme dans l’Apocalypse. Elles font penser au Magnificat de Marie qui ne chante pas sa propre gloire, mais confesse que le Tout-Puissant a fait pour elle des merveilles « comme promis à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa descendance à jamais ». Cette finale est très significative, Marie indique le fondement de sa foi : Dieu réalise ce qu’il a promis.

En contemplant la Vierge Marie, nous entrevoyons le chemin ouvert par Jésus qu’elle a par-couru, elle la première. Ainsi en priant la petite couronne, nous nous sentons impliqués dans l’agir de Dieu, nous voyons le chemin à parcourir et craignons des embuches qui pourraient gêner notre élan. C’est pourquoi Montfort suggère comme conclusion la vieille prière de l’Eglise : ‘Sub tuum praesidium’ (Sous l’abri de ta miséricorde).

De petites chaînettes

La troisième pratique concrète que Montfort suggère est d’un tout autre genre. Il est très louable, dit-il, de porter de petites chaînettes ‘de fer’. Cette précision attire l’attention, elle nous met sur la piste qu’il va indiquer. Il commence par un avis : « Ces marques extérieures, à la vérité, ne sont pas essentielles, et une personne peut fort bien s'en passer… ». Le fait qu’il consacre plusieurs pages au bien fondé de ce signe extérieur prouve bien la richesse de ce symbole. Le port d’une chaînette ou d’une médaille peut être une prière.

Une chaîne peut rappeler la souffrance des esclaves et leur servitude, mais inversement, nous dit Montfort, elle peut référer à la libération réalisée par le Christ vainqueur et il fait allusion au symbole de la croix : « Quoique autrefois il n'y eût rien de plus infâme que la croix, à présent ce bois ne laisse pas d'être la chose la plus glorieuse du christianisme. Disons le même des fers de l'esclavage » (237). Une autre approche : les chaînes peuvent être des instruments utiles. Montfort cite le prophète Osée qui met dans la bouche du Seigneur ces paroles : « Je les menais (les Hébreux) avec des attaches humaines, avec des liens d’amour » (11,4).

La symbolique

Montfort développe davantage : « C'est pour faire ressouvenir le chrétien des vœux et engagements de son baptême, de la rénovation parfaite qu'il en a faite par cette dévotion, et de l'étroite obligation où il est de s'y rendre fidèle. Comme l'homme, qui se conduit souvent plus par les sens que par la pure foi, oublie facilement ses obligations envers Dieu… ces petites chaînes servent merveilleusement au chrétien pour le faire ressouvenir des chaînes du péché et de l'esclavage du démon, dont le saint baptême l'a délivré, et de la dépendance de Jésus Christ qu'il lui a vouée dans le saint baptême, et de la ratification qu'il en a faite par rénovation de ses vœux… (238).

Aux yeux de Montfort, l’attitude de service et de dévouement est cruciale pour le chrétien. Dieu fait appel à l’homme et par le ‘oui’ de ce dernier il devient serviteur. Parmi une série de citations bibliques, je retiens celle qui de façon plastique caractérise le chrétien. « Soumettons nos épaules, et portons la Sagesse qui est Jésus Christ, et ne nous ennuyons point de ses chaînes » (240).

Frans Fabry

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